La politique de la recherche et de l’enseignement supérieur est, à l’heure de la crise du capitalisme, un terrain d'affrontements entre forces sociales. Plus précisément entre les multinationales et le reste de la société. La tendance dominante actuelle, qui fait peser sur les thèmes scientifiques, les répartitions budgétaires, les formes d'emploi, les structures de financement,etc., les orientations favorables au exigences du MEDEF même si elle semble en ce moment avoir le champ libre, ne peut pas tout: elle se heurte à l’aspiration de la société à la culture, à la compréhension du monde, à la résolution des problèmes qui se posent dans tout les domaines de la vie sociale. Cette politique peut-elle être combattue, voire inversée? Pouvons nous contribuer à définir les grands traits de ce que serait une politique scientifique démocratique? Un tel objectif serait sans doute catalyseur de luttes utiles, et contribuerait à définir un projet communiste cohérent.
L'orientation formulée il y a déja quelques années par Francis Mer, lors du gouvernement Raffarin II, était « d'adapter l'appareil public de recherche aux besoins des entreprises ». Cet objectif est mis en oeuvre avec brutalité par le gouvernement Sarkozy. En effet, conscientes de l'importance décisive de l'innovation dans la guerre économique qu’elles se livrent pour la conquête des marchés, recherchant dans la spéculation financière le moyen de gonfler au maximum le taux de profit, les grandes entreprises ne veulent pas faire d'effort financier supplémentaire de recherche, trop coûteux. Elles souhaitent piloter l'appareil public de recherche, le contraindre à développer les créneaux les plus utiles pour elles dans la guerre économique, en économisant sur leur propre effort de recherche
Il est à souligner que l’accélération continuelle des connaissances, et la course à l’innovation dans la guerre économique entre groupes industriels est au coeur de la crise du capitalisme. L’introduction continuelle de nouveaux moyens de productions et de nouvelles productions entraîne une augmentation continuelle du capital fixe à l’échelle de la planète, une élimination du travail humain, et donc, une baisse tendancielle du taux de profit moyen. La révolution numérique, et l’accroissement correspondant du contenu intellectuel du travail ont accéléré ce processus.
La politique actuelle du tandem Sarkozy/Pécresse se caractérise par:
- un accroissement des moyens budgétaires octroyés sans contrôle aux industriels sous forme de crédits d’impôt (un milliard d’euros en 2008). Au cours des dix dernières années, en revanche, Alcatel, Péchiney, Arcelor-Mittal, France Telecom, et d’autres, ont liquidé leurs laboratoires de recherche en France.
- Une stagnation des moyens publics alloués à la recherche publique.
- Une dégradation confirmée des rémunérations et des carrières de toutes les catégories de personnels scientifiques
- Un pilotage de plus en plus étroit, par le biais de l’ANR notamment, (mais aussi par des opérations comme l’O.I.N. de Saclay) de la recherche publique par l’application. La part des “contrats blancs” de l’ANR a été révisée à la hausse sous la pression des chercheurs. Le mode de financement contractuel des recherches entraîne une bureaucratisation accélérée et des gâchis humains. Les budgets récurrents des équipes sont insuffisants pour permettre une créativité scientifique originale.
- Une suppression de postes stables dans la recherche et l’enseignement supérieur, (900 en 2009) et une précarisation des jeunes chercheurs, déja précaires pendant la thèse, et dont la période de précarité s’allonge d’années en année, notamment au moyen des contrats ANR, européens etc.
- La mise hors circuit des structures démocratiques des grands organismes. Au CNRS, l’évaluation des équipes est retirée aux organes à majorité élus par les scientifiques, seule l’évaluation des personnes étant maintenue pour l’instant. La voie est ouverte à la suppression, par des comités d’experts nommés, de centaines d’équipes jugées peu rentables.
- La généralisation de structures autocratiques telles que Réseaux Thématiques
- La création de pôles d’excellence regroupant des moyens importants prélevés sur une enveloppe globale en stagnation, entraînant la désertification scientifique et universitaire de territoires éloignés des pôles
- Un effort de communication, relayé par les média, pour convaincre l’opinion publique que recherche et enseignement supérieur sont “des priorités de l’action gouvernementale”, à rebours de la réalité.
Les propositions du parti communiste
Il est constant dans l’histoire humaine que les grandes avancées de la connaissance ont non seulement modifié profondément notre vision du monde, mais déclenché des modifications profondes du mode de production. Que l’on songe à Galilée, Newton, Pasteur, Einstein, Von Neumann, à la mécanique quantique, au code génétique, à la théorie du chaos, etc.. La science est non seulement au cœur de la culture, au même titre que les arts, elle est au cœur des transformations sociales. La révolution informationnelle, qui accélère tous les processus liés à l’élaboration des connaissances est un aspect particulier de la révolution scientifique,
Le PCF considère que la recherche et l’enseignement supérieur peuvent jouer un rôle très important pour le progrès culturel, économique et social, et pour la création de conditions permettant l’épanouissement de chaque personnalité. Trois conditions pour donner au développement scientifique sont plein sens de progrès culturel, économique et social : le soustraire à la pression des multinationales, lui donner les moyens de remplir sa mission, et développer la démocratie dans la gestion des personnels, l’évaluation des équipes, et la définition des thèmes de recherche.
** Un élément central d’une politique démocratique de la recherche et de l’Université est la définition d’un secteur public de recherche fondamentale dégagé de toute obligation d’application, mais voué au développement d’un front continu des connaissances. On peut chiffrer à 1% du PIB le financement souhaitable d’un tel secteur, en contraste avec la part de 0,6% attribué en 2008 à la recherche publique avec un impératif d’applications rapides. La liberté thématique de la recherche fondamentale s’exercera en tenant compte des avis de structures élues représentatives des travailleurs scientifiques et de comités consultatifs de citoyens, contribuant à l’allocation des moyens budgétaires par le Parlement.
** Pour autant, la collaboration féconde de ce secteur public avec le secteur industriel, public ou privé, sera encouragée, sur la base de l’avantage mutuel, tant il est clair que les problèmes posés par l’application soulèvent à leur tour des questions fondamentales. Par ailleurs, la société attend à juste titre du progrès scientifique et technique la solution de problèmes qui se posent dans toutes les sphères de la vie sociale. Il sera mis fin à la subordination actuelle de la recherche publique aux besoins industriels.
** Le financement de la recherche publique sera assuré à 70 % au moins par les budgets récurrents des laboratoires, permettant le financement des initiatives scientifiques surgissant du mouvement des connaissances. Une structure du genre ANR peut être utile, pour le développement de recherches nouvelles surgissant du mouvement des connaissances, à condition qu’elle ne représente pas plus de 15% des budgets des laboratoires.
** Les procédures d’attribution de crédits publics seront allégées, avec un contrôle a posteriori de leur utilisation par des instances à majorité élue.
** Un paragraphe concernant les grands organismes de recherche appliquée (CEA, ONERA, IFREMER, ORSTOM, etc.,) devra être élaboré en collaboration avec des travailleurs scientifiques de ces organismes.
** Le financement de la recherche de développement sera assuré pour l’essentiel par les entreprises, et devrait être porté à hauteur de 2% du PIB. Des secteurs publics industriels, à gestion démocratique, libérés de la recherche du taux de profit maximum, devront développer des laboratoires de recherche/développement avec des personnels salariés disposant de nouveaux droits dans la définition des axes de recherche. La collaboration des laboratoires industriels avec les chercheurs du secteur public sera encouragée, sur la base du volontariat et de l’intérêt mutuel
** Un effort considérable de recherche, tant fondamentale qu’industrielle sera nécessaire pour prendre en compte les impératifs d’un développement durable, la préservation de l’environnement, la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation des ressources en eau de la planète, etc.,
** L’enseignement supérieur aura pour mission de dispenser une formation de masse et de qualité, en liaison étroite avec la recherche. Des créations de postes statutaires en nombres suffisants permettront de réduire le service d’enseignement pour tous à 124 heures annuelles équivalent TD, et de dégager pour tous le temps nécessaire pour la recherche. Un objectif important en ce qui concerne la formation moderne des ingénieurs sera l’intégration, la plus rapide possible, des Grandes Ecoles aux Universités, ainsi que celle des classes préparatoires, dont l’enseignement devra être lié à la recherche.
** Tous les métiers de la recherche et de l’enseignement supérieur bénéficieront de statuts assurant la stabilité d’emploi, éliminant le caractère stérilisant de la précarité que favorise le pouvoir actuel, et comportant en même temps une forte incitation à la mobilité. Les carrières seront fortement améliorées et les salaires revalorisés afin de redonner leur attractivité aux métiers correspondants, et donc l’afflux de jeunes diplômés vers les carrières de la recherche et de l’enseignement supérieur.
** Le service public d’enseignement supérieur et de recherche doit être soustrait à tout enjeu de marchandisation et notamment doit être extrait du champ des négociations de l’OMC; il doit être extrait du champ d’application d’éventuelles directives sur les services.
** La politique de recherche européenne encouragera les coopérations entre équipes européennes, entre l’Europe et les autres parties du monde, avec une forte composante d’aide au développement scientifique des pays du sud, avec formation de cadres scientifiques encouragés à travailler au pays. Cette politique s’appuiera sur un conseil européen de la science comportant au minimum 2/3 d’élus des travailleurs scientifiques européens, soit par élection directe, soit par contingents nationaux élus. Le conseil européen de la science sera notamment chargé de proposer les thèmes scientifiques prioritaires au parlement et à la commission. En vue d’arriver à un statut européen du travailleur scientifique permettant à la fois sécurité et mobilité volontaire, avec équivalence des acquis sociaux dans tous les pays de l’Union, une politique européenne de lutte contre la précarité scientifique en Europe sera proposée par la France. La création d’emplois scientifiques pérennes dans tous les pays de l’Union sera proposée et encouragée.
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